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1 - La diversification des métazoaires au cours du Paléozoïque inférieur
La complexité des systèmes biologiques actuels, quel que soit leur niveau d’organisation (organismes, communautés, écosystèmes) est le résultat d’une longue histoire évolutive. Les premières étapes de la mise en place de cette structuration (Protérozoïque terminal) sont encore peu connues. Les deux principales étapes ultérieures ("explosion cambrienne" et "grande biodiversification ordovicienne") sont par contre mieux documentées. L’explosion cambrienne (environ 540 à 489 millions d’années) est principalement caractérisée par la mise en place des principaux plans d’organisation animale (phylums) et la construction des premiers écosystèmes marins complexes. La grande diversification ordovicienne (environ 489 à 443 millions d’années) fait suite à cet événement et voit se développer de façon exponentielle la biodiversité au sein de chaque phylum.
1.1. Impact de la Cambrian Substrate Revolution sur l’émergence des écosystèmes benthiques "modernes"
Outre l’apparition relativement soudaine de restes minéralisés appartenant à différents types de métazoaires, les dépôts du Cambrien inférieur à moyen témoignent également d’une modification profonde et irréversible des conditions paléoenvironnementales prévalant au niveau de l’interface eau-sédiment (Seilacher & Pflüger 1994 ; McIlroy & Logan 1999 ; Seilacher 1999 ; Bottjer et al. 2000 ; Dornbos & Bottjer 2000, 2001 ; Dornbos et al. 2005). En effet, au cours du Protérozoïque, les fonds marins étaient tapissés, scellés par des voiles microbiens. La bioturbation y était particulièrement réduite et/ou nécessairement horizontale. La morphologie très particulière des organismes des faunes d’Ediacara serait particulièrement bien adaptée à la vie sur de telles surfaces à la fois fermes et spongieuses. Au cours du Cambrien inférieur à moyen, ce type de substrat disparaît progressivement au profit de fonds "modernes", fortement bioturbés et par conséquent, caractérisés par d’importants échanges entre l’eau de mer et le sédiment. Cette transition depuis des substrats de type "millefeuille" à des fonds de type "soupe" a été désignée "Révolution Agronomique" (Seilacher & Pflüger 1994) ou "Cambrian Substrate Revolution" (Bottjer et al. 2000). Cette modification paléoenvironnementale majeure a probablement eu un impact décisif sur les faunes d’organismes benthiques et contribué à la diversification des métazoaires au Paléozoïque inférieur.
Les échinodermes constituent un bon modèle permettant d’appréhender l’impact de la "Cambrian Substrate Revolution" sur un groupe d’organismes benthiques. Ils présentent en effet l’avantage d’être relativement abondants et diversifiés dès le Cambrien inférieur, facilement identifiables (squelette calcitique) et fortement dépendants de la nature du substrat. Plusieurs études portant principalement sur les hélicoplacoïdes (Dornbos & Bottjer 2000, 2001), et dans une moindre mesure, sur les édrioastéroïdes et les éocrinoïdes (Parsley & Prokop 2004, Dornbos 2006) ont permis de documenter l’évolution progressive des différentes stratégies adaptatives mises en place par ces organismes au cours du Cambrien inférieur à moyen.
Mes travaux permettent de mettre en évidence qu’à partir du Cambrien moyen, plusieurs groupes d’échinodermes vont indépendamment et à plusieurs reprises, évoluer vers un mode de vie libre (non fixé). La plupart d’entre eux (cinctas, cténocystoïdes, solutes, stylophores) vont développer des morphologies convergentes, très modifiées, de type "poisson plat" (aplaties et très asymétriques), parfaitement adaptées à la vie en surface de sédiments meubles. L’apparition de ce type de stratégie adaptative est donc probablement corrélée à la multiplication des fonds meubles bioturbés au cours du Cambrien inférieur à moyen.
1.2. Réévaluation de la Great Ordovician Biodiversification à partir des faunes exceptionnelles de l’Ordovicien du Maroc
L’explosion cambrienne est désormais relativement bien connue grâce à la découverte de plusieurs gisements exceptionnels ou "Konservat-Lagerstätten" (par ex. : Burgess au Canada, Chengjiang en Chine). Ils ont livré les restes remarquablement préservés d’une très grande variété d’organismes possédant ou non un exosquelette. A l’inverse, la diversification ordovicienne n’a été documentée jusqu’à présent qu’à partir d’assemblages fossiles "classiques" (constitués de restes d’organismes à test minéralisé), à l’exception de deux Konservat-Lagerstätten d’âge Ordovicien supérieur : Beecher’s Trilobite Bed (Etats-Unis) et Soom Shale (Afrique du Sud). Cependant, ces deux sites n’ont livré pour l’instant que des faunes marines atypiques et peu diversifiées par rapport à celles du Cambrien.
Des assemblages fossiles à conservation exceptionnelle ont été découverts récemment dans plusieurs gisements datés de l’Ordovicien inférieur et supérieur, dans l’Anti-Atlas central et oriental (Maroc). A ce jour, ce sont les seuls sites au monde à avoir livré des faunes marines riches et diversifiées de l’Ordovicien comprenant à la fois des restes abondants d’organismes possédant un exosquelette (par ex. : arthropodes, échinodermes, mollusques), mais aussi de très nombreux fossiles d’animaux "à corps mou", habituellement non préservés (par ex. : médusoïdes, vers). Jusqu’à présent, la composition des communautés marines à l’Ordovicien était estimée à partir des seuls restes d’organismes possédant un exosquelette minéralisé, ce qui représente, selon les estimations, entre 10 et 20% de la biodiversité initiale. Par conséquent, la découverte de gisements à conservation exceptionnelle dans l’Ordovicien de l’Anti-Atlas offre l’opportunité inédite (1) de décrire de manière exhaustive les communautés marines présentes à cette époque, ainsi que (2) de reconstituer la structure et le fonctionnement des écosystèmes marins de l’Ordovicien. Elle devrait également permettre de comparer, pour la première fois, les communautés marines de l’Ordovicien avec celles, plus anciennes mais mieux connues, du Cambrien (Chengjiang, Burgess). Cette comparaison permettra de tester l’hypothèse selon laquelle la diversification des métazoaires (animaux pluricellulaires) s’est initiée au Cambrien alors que les écosystèmes "modernes" se mettent progressivement en place au cours du Paléozoïque inférieur.
2 - Impact des variations climatiques sur les écosystèmes marins au cours de l’Ordovicien
Bien que l’Ordovicien corresponde à une période globalement "chaude" (greenhouse), il s’achève par une glaciation courte, mais sevère, au cours de l’Hirnantien (Brenchley et al. 1994, Barnes 2004, Le Héron 2007). Cette glaciation est probablement à l’origine de l’une des cinq plus importantes crises biologiques (Brenchley 2000). Les causes de la dégradation climatique enregistrée à la fin de l’Ordovicien demeurent, par contre, encore assez peu connues et fortement débattues. Dans les régions alors situées à des latitudes relativement élevées dans l’hémisphère Sud (Europe de l’Ouest, Afrique du Nord), il semblerait que la glaciation hirnantienne ait été précédée d’un bref épisode de réchauffement climatique (Boda Event), caractérisé par l’installation d’une vaste -mais éphémère- plateforme carbonatée dominée par les bryozoaires et les échinodermes. Ce réchauffement est également caractérisé -régionalement- par l’apparition soudaine de brachiopodes et de trilobites connus auparavant uniquement dans des mers relativement chaudes à tempérées (Fortey & Cocks 2004, 2005). Ces modifications s’expliquent possiblement par une modification de la circulation océanique, à l’origine de l’arrivée d’eaux plus tempérées en zone subpolaire.
L’analyse des assemblages d’échinodermes ordoviciens provenant des régions péri-gondwaniennes sub-polaires a permis de confirmer -au moins localement- l’hypothèse d’une brève phase de réchauffement climatique précédant la glaciation hirnantienne. En effet, au cours du Katien terminal (Ashgill inférieur), les faunes "froides", peu diversifiées, caractéristiques de ces régions (cystoïdes aristocystitides, ophiures, solutes, stylophores) disparaissent soudainement au profit de nouveaux assemblages, nettement plus diversifiés (crinoïdes, édrioastéroïdes, cystoïdes caryocystitides, hémicosmitides et sphaéronitides), typiques des régions alors situées à des latitudes moins élevées (Sud de la Chine, Iran, Russie, Scandinavie, Thaïlande).
Inversement, l’extension vers les basses paléolatitudes d’assemblages "froids", peu diversifiés, d’échinodermes peut s’expliquer soit par un phénomène d’ampleur régionale (par ex. : arrivée d’eaux profondes, plus froides, sur la marge Sud-Est de l’Amérique du Nord, à la limite Sandbien-Katien, en raison d’une forte subsidence tectonique liée à l’orogenèse taconique), soit par une dégradation climatique d’ampleur mondiale (glaciation hirnantienne). Par conséquent, l’analyse de la composition des assemblages d’échinodermes se révèle être un indicateur relativement fiable permettant de mettre en évidence des variations de la température des océans au cours de l’Ordovicien.
3 - Paléoécologie & paléogéographie des échinodermes paléozoïques
3.1. Paléoécologie des populations denses d’échinodermes au Paléozoïque inférieur
De nombreux échinodermes actuels sont grégaires et certains peuvent constituer des populations denses couvrant le fond marin, parfois sur d’assez grandes superficies (plusieurs dizaines à centaines de km2). Un tel mode de vie présente de nombreux avantages, dont l’un des principaux semble être la reproduction. En effet, chez les échinodermes, qui sont des organismes à fertilisation externe (expulsion des gamètes directement dans l’eau de mer), il est évident qu’un mode de vie grégaire favorise considérablement les chances de succès reproducteur (Emson 1998). Outre une densité localement très élevée (plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’individus par mètre carré), les populations denses d’échinodermes actuels présentent généralement deux autres caractéristiques : (1) leur diversité taxonomique est faible (le plus souvent, ces assemblages sont monospécifiques, ou très largement dominés par une, voire deux espèces différentes) et (2) leur faune associée (arthropodes, mollusques) est rare, voire absente.
L’analyse de plusieurs assemblages autochtones remarquablemnt préservés d’échinodermes (starfish beds) de l’Ordovicien du Massif armoricain et surtout, du Maroc (Anti-Atlas), m’a permis de mettre en évidence que ces trois caractéristiques fondamentales (forte densité, diversité faible, faune associée rare) se retrouvent dès le Paléozoïque inférieur
Or, à de rares exceptions près, les populations denses d’ophiures épibenthiques actuelles s’observent essentiellement dans les environnements relativement profonds de l’étage bathyal (de -200 à -3000 mètres environ ; Fujita 1992, Aronson & Blake 1997). Les crinoïdes pédonculés actuels présentent une distribution assez comparable (Messing 1997 ; Aronson & Blake 1997). Les archives fossiles indiquent que, de l’Ordovicien au Jurassique, ces deux types d’assemblages (ophiures épibenthiques, prairies de crinoïdes) étaient beaucoup plus communs dans les environnements moins profonds de plateforme continentale (étages infralittoral et circalittoral, de 0 à -200 mètres environ). Leur retraite vers le large au cours du Crétacé coïnciderait assez bien avec la diversification majeure, dans les environnements peu profonds, des poissons téléostéens et des crustacés décapodes, qui constituent leurs principaux prédateurs (Vermeij 1977, 1987 ; Fujita 1992, Aronson & Blake 1997). Face à l’augmentation de la prédation dans les environnements peu profonds, seuls les crinoïdes mobiles (comatules) et les ophiures endobenthiques ont pû s’y maintenir, alors que les crinoïdes pédonculés et les ophiures épibenthiques ont continué à prospérer dans les environnements plus profonds, où la pression exercée par les prédateurs était moindre (Meyer 1985, 1997 ; Oji 1996 ; Messing 1997 ; Aronson & Blake 1997). Ce remplacement des communautés a été désigné la "révolution marine du Mésozoïque" (Vermeij 1977, 1987). Actuellement, plusieurs exemples de populations denses d’ophiures épibenthiques ont été signalés dans des environnements peu profonds : le plus célèbre est un lac salé des Bahamas où la pression prédatrice est quasi-nulle (absence de crustacés décapodes et de poissons téléostéens). Ces observations indiquent que la pression prédatrice exerce une influence majeure sur la distribution des populations denses d’échinodermes filtreurs (et/ou suspensivores), fixés (et/ou peu mobiles).
La plus grande abondance d’assemblages d’ophiures (et d’autres échinodermes) épibenthiques au cours du Paléozoïque pourrait indiquer que le taux de prédation était a priori plus faible que dans les mers actuelles. Il semblerait toutefois que des réseaux trophiques très complexes, relativement comparables à ceux existant dans les environnements modernes, se soient mis en place très tôt, probablement dès la base du Cambrien (Conway Morris 1986, Butterfield 2000, Burzin et al. 2001, Vannier & Chen 2005). La pression prédatrice n’était donc pas nécessairement plus faible au Paléozoïque qu’actuellement.
La rareté de la faune associée retrouvée dans les niveaux à échinodermes du Paléozoïque inférieur semble indiquer que ces organismes prospéraient, peut-être de manière opportuniste, pendant de brèves périodes lors desquelles non seulement les prédateurs étaient plus rares (ou absents), mais l’ensemble de l’écosystème était perturbé.
3.2. Intérêt des échinodermes paléozoïques pour les reconstitutions paléogéographiques
Les reconstitutions paléogéographiques proposées pour le Paléozoïque inférieur ont été établies principalement à partir de la répartition de différents groupes d’invertébrés marins benthiques (essentiellement les brachiopodes et les trilobites) et/ou pélagiques (par ex. graptolites) et, dans une moindre mesure, à partir des (rares) données du paléomagnétisme. Actuellement, la position paléogéographique et/ou la nature (terrane, microcontinent, ...) de nombreuses régions demeurent très imprécises et débattues (par ex. : "Armorica", "Cuyania", "Perunica", ...).
Dans ce contexte, la prise en compte des échinodermes peut parfois s’avérer décisive. Ces organismes marins sont en effet benthiques, généralement grégaires (voir ci-dessus) et leur dispersion larvaire relativement limitée. Leur diversité maximale s’observe en domaine de plateforme, et par conséquent, la distribution de la plupart des taxons est souvent limitée à la périphérie d’un même paléocontinent. Ainsi, à l’Ordovicien moyen, certains groupes ne sont connus qu’en périphérie de la Laurentia (paracrinoïdes, pleurocystitides) ou en domaine péri-gondwanien (aristocystitides). D’autres taxons, au contraire, apparaissent davantage inféodés à des environnements plus profonds (plateforme externe, pente) et/ou à des eaux plus froides (mitrates lagynocystides, certains cornutes). Leur distribution paléogéographique est donc souvent plus importante et relativement indépendante à la fois de la position des masses continentales et des paléolatitudes.
La réalisation d’une base de données prenant en compte la quasi-totalité des échinodermes ordoviciens connus et décrits (462 genres, 1070 occurrences régionales) m’a récemment permis de tester plusieurs scénarios paléogéographiques concernant la position d’une partie de l’Europe centrale (Bohême, Thuringe) au cours du Paléozoïque inférieur. D’après certains auteurs, cette région correspondrait à un micro-continent indépendant ("Perunica"), qui se serait individualisé de Baltica suite à l’ouverture de la mer de Tornquist (Cambrien moyen à supérieur), qui aurait ensuite dérivé vers le Sud en direction du Gondwana (Ordovicien inférieur terminal - Ordovicien moyen), avant de se rapprocher à nouveau de Baltica, en raison de la fermeture progressive de la mer de Tornquist (Ordovicien supérieur - Silurien) (Havlicek et al. 1994). D’autres auteurs considèrent, au contraire, que "Perunica" ne représente que l’une des nombreuses "terranes" parsemant le domaine péri-gondwanien, suite à la fracturation de sa marge Nord au cours du Cambrien moyen (Robardet 2003). Dans ce contexte, l’analyse phylo-géographique de la base de données sur les échinodermes ordoviciens indique très clairement que, quel que soit l’intervalle de temps considéré (étages, sous-systèmes, système), les faunes de Bohême présentent en permanence de très fortes affinités avec celles décrites dans les autres régions du domaine péri-gondwanien septentrional (Afrique du Nord, Massif armoricain, Péninsule ibérique). Ce résultat permet donc de rejeter l’hypothèse d’un micro-continent Perunica dérivant au large de Baltica. Il valide par contre le scénario alternatif (terrane péri-gondwanienne).
4 - Relations phylogénétiques au sein des deutérostomes
Les deutérostomes (échinodermes, hémichordés, chordés) constituent, avec les protostomes, l’un des deux clades majeurs de métazoaires bilatériens. Mise en évidence depuis plus d’un siècle, principalement à partir d’arguments embryologiques (chez tous ces organismes, l’anus se forme avant la bouche, au cours du développement embryonnaire), la monophylie des deutérostomes a été confirmée récemment par les données de la phylogénie moléculaire (Adoutte et al. 2000). Ces dernières ont toutefois profondément modifié notre vision des relations de parenté au sein des deutérostomes. Ainsi, jusqu’au milieu des années 1990, il était classiquement admis que le phylum des échinodermes constituait le groupe-frère du clade hémichordés + chordés. Les travaux de phylogénie moléculaire suggèrent au contraire que les hémichordés sont davantage apparentés aux échinodermes (avec lesquels ils forment le clade des "ambulacraires"), qu’aux chordés (Valentine et al. 1999, Adoutte et al. 2000, Halanych & Passamaneck 2001). Enfin, récemment, la monophylie des chordés a été remise en question par Delsuc et al. (2006), qui suggèrent que les céphalochordés (amphioxus) pourraient être davantage apparentés aux ambulacraires qu’aux autres chordés (tuniciers + vertébrés). D’après les données moléculaires, la divergence entre protostomes et deutérostomes serait intervenue au cours du Néoprotérozoïque (entre 650 et environ1000 millions d’années, selon les estimations), tout comme celle entre les trois principaux groupes de deutérostomes (entre 550 et 850 millions d’années environ ; Doolittle et al. 1996, Wray et al. 1996, Nikoh et al. 1997, Ayala et al. 1998, Bromham et al. 1998, Smith 1999). Une origine ancienne, vraisemblablement pré-Cambrienne, des deutérostomes a été confirmée récemment par la découverte, dans le Cambrien inférieur de Chine (Chengjiang), d’un assemblage déjà très diversifié comprenant des échinodermes (Shu et al. 2004), des hémichordés (Shu et al. 1996), des représentants des différents groupes de chordés (Holland & Chen 2001, Shu et al. 2001a, Chen et al. 2003, Mallat & Chen 2003), ainsi que des deutérostomes très primitifs, non attribuables à l’un de ces trois grands groupes (vétulicoliens ; Shu et al. 2001b). Les faunes du Cambrien inférieur à moyen permettent donc de documenter les étapes initiales de la diversification des deutérostomes.
En ce qui concerne plus précisément les échinodermes, des restes incontestables de ces organismes ont été signalés, dès le Cambrien inférieur, en Amérique du Nord (Camptostroma, éocrinoïdes, édrioastéroïdes, hélicoplacoïdes), en Chine (éocrinoïdes), en Grande-Bretagne ou encore en Sibérie (Sprinkle 1973 ; Donovan & Paul 1982 ; McKie & Donovan 1992 ; Dornbos & Bottjer 2000, 2001 ; Parsley & Zhao 2006). Ces fossiles présentent déjà toutes les apomorphies caractéristiques du phylum Echinodermata (squelette calcitique, système ambulacraire, division de la paroi du corps en régions axiale et extraxiale, symétrie radiaire associée à la composante axiale). Bien qu’apparues légèrement plus tard (Cambrien moyen), plusieurs classes d’échinodermes aplatis et asymétriques (sans symétrie radiaire), les carpoïdes ou homalozoaires, ont été récemment interprétées comme le "chaînon manquant" entre hémichordés et échinodermes (Shu et al. 2004 ; Smith 2004, 2005 ; Smith & Clausen 2005). Les carpoïdes possèderaient certaines apomorphies des échinodermes (squelette calcitique), mais pas d’autres (système ambulacraire, symétrie radiaire), et surtout, ils présenteraient des fentes branchiales (apomorphie des deutérostomes, perdue secondairement chez les échinodermes).
Dans la continuité de mes travaux déjà engagés à Lyon (thèse de doctorat), puis à Dijon (en tant que chercheur CNRS), qui avaient contribué à réfuter l’interprétation selon laquelle les carpoïdes seraient les ancêtres des vertébrés ("calcichordés"), je poursuis activement mes investigations afin de démontrer que la nouvelle théorie émergente selon laquelle ces mêmes fossiles représenteraient des formes intermédiaires entre hémichordés et échinodermes n’est pas valide non plus.