Carotte à Mayotte
Carotte à Mayotte
Le lac Dziani Dzaha à Mayotte (archipel des Comores) est un lac de cratère volcanique peu profond, âgé de moins de 4000 ans, aux propriétés physico-chimiques hors du commun. Ce lac de cratère tropical est salé, alcalin (pH~9) et en majeure partie dépourvu d’oxygène. L’anoxie permanente de ses eaux de fond s’accompagne de fortes fluctuations saisonnières des teneurs en composés réduits dissous, les concentrations en sulfures par exemple variant selon la saison entre 0,1 et 7 mM. La présence de microbialites, d’une chaîne trophique simplifiée (dominance écrasante des procaryotes dans la colonne d’eau), et les compositions isotopiques de différentes espèces chimiques (C, N, S) permettent de considérer le lac Dziani Dzaha comme un potentiel analogue contemporain des océans précambriens (Protérozoïque) et de certains événements anoxiques océaniques postérieurs.
En collaboration avec divers spécialistes français (géochimistes, sédimentologues, biologistes, microbiologistes, minéralogistes, etc.), nous essayons de comprendre le fonctionnement actuel de cet écosystème très particulier, et de caractériser et de dater les principales étapes et processus étant intervenus dans l’évolution de ses caractéristiques physico-chimiques, biologiques et géochimiques.
Dans ce cadre, une équipe du LGL (Vincent Grossi, chercheur CNRS et Ivan Jovovic, doctorant LIO) a effectué, en novembre 2017, une mission de carottage dans le but d’échantillonner l’intégralité de la couche sédimentaire déposée dans le lac Dziani Dzaha depuis sa formation. La difficulté d’accès au site (cratère volcanique) a nécessité une logistique humaine et matérielle assez conséquente (de 7 à 10 personnes) pour l’acheminement à pied du matériel, le montage de la plateforme, les prélèvements et le traitement sur place des carottes. La mission a toutefois été un franc succès grâce, notamment, à l’aide de chercheurs de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) qui ont une grande connaissance de l’écosystème Dziani (Magali Ader, Didier Jézéquel, Gérard Sarazin) et de membres du Laboratoire Edytem (et du Centre de Carottage et de Forage National C2FN) experts en carottage (Fabien Arnaud, Emmanuel Malet), au soutien financier de l’entreprise TOTAL et de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), et à l’aide logistique de la maison d’hôtes "Les couleurs" à Mayotte. http://www.mayotte-les-couleurs.com
Acheminement du matériel nécessaire pour construire la plateforme. Devant Emmanuel Malet (Edytem), au milieu César (aide locale), derrière Vincent Grossi (LGL).
Acheminement de matériel nécessaire pour l'extraction des carottes (Ivan Jovovic, LGL et Emmanuel Malet, Edytem) et d'un tube de carottage (Didier Jézéquel, IPGP).
La plateforme de carottage assemblée sur place et constituée d'un plancher en bois reposant sur de longues échelles arrimées à 2 bateaux apportés depuis la Métropole. La carotte apparait ici sur toute sa longueur. En haut de l'échelle Ivan Jovovic (LGL), à droite sur la plateforme Vincent Grossi (LGL). Caché derrière Fabien Arnaud (Edytem).
Le carottage se fait à l'aide d'un tube en plexiglas fixé à un système de carottier équipé d'un marteau coulissant (de 20 kg) permettant au tube de s'enfoncer dans les sédiments. Ici Emmanuel Malet (Edytem).
L'extraction des carottes des sédiments du lac a nécessité l'utilisation de nombreuses cordes, poulies et d'un treuil manuel. Sur la photo Fabien Arnaud et Emmanuel Malet (Edytem).
Rapatriement à terre d'une carotte à l'aide d'un 3e bateau. De droite à gauche Vincent Grossi (LGL), Fabien Arnaud (Edytem), Emmanuel Malet (Edytem), Ivan Jovovic (LGL).
Nous avons ainsi pu prélever 5 carottes sur un point quasi central du lac. Trois de ces carottes (d’environ 4,70 m) auraient semble-t-il atteint le socle volcanique et couvriraient donc la majeure partie de l’histoire sédimentaire du lac. L’ouverture d’une d’entre elles, effectuée sur place afin de prélever au plus vite les échantillons nécessitant une conservation particulière, a révélé une sédimentologie d’une qualité exceptionnelle, caractérisée par des séquences de dépôts contrastées, des transitions lithologiques marquées, et l’existence de nodules carbonatés assez rares dans le registre sédimentaire, laissant augurer de stimulantes perspectives d’étude.
Quelques membres ayant participé à la mission : De gauche à droite, Gérard Sarazin (IPGP), Magali Ader (IPGP), Mylène Hugoni (LEM Lyon), Cécile Bernard (MNHN Paris), Ivan Jovovic (LGL), Vincent Grossi (LGL), Didier Jézéquel (IPGP), Emmanuel Malet (Edytem).
Absents sur cette photo : Emmanuelle Vennin (Biogéosciences Dijon), Emmanuelle Gérard (IPGP), Fabien Arnaud (Edytem) et Alexandra et Laurent de la maison d'hôtes "Les couleurs" que nous vous recommandons !