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Les premières chaînes alimentaires

Comment se sont construites les premières chaînes alimentaires et réseaux trophiques complexes lors de l'émergence des principales lignées animales, au Cambrien (541-485 Ma) ? Pour répondre à cette question des chercheurs du Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement (CNRS, ENS, Université Lyon 1) en collaboration avec des chercheurs chinois (Xi'an) et britanniques (Oxford, Bristol) ont analysé les systèmes digestifs fossilisés d’animaux primitifs de la lignée des arthropodes, provenant des faunes de Chengjiang (Chine) et de Sirius Passet (Groenland). Cette étude a été publiée dans la revue Nature Communications.

 

Certains gisements fossilifères datant du Cambrien (541 à 485 millions d’années) sont connus pour la préservation exceptionnelle des fossiles qu'ils contiennent. Leur examen nous révèle avec une précision étonnante la structure des tout premiers animaux et nous permet d’entrevoir leur fonctionnement, leur comportement, ainsi que leur rôle dans la construction des premiers écosystèmes de type moderne.

Ainsi, il y a environ un demi-milliard d'années, apparaissait les précurseurs des écosystèmes marins modernes, au sein desquels les interactions entre espèces animales sont déjà nombreuses et complexes. La nourriture et sa transformation en énergie sont au cœur de cette dynamique évolutive. D'où l'intérêt d’étudier les systèmes digestifs et les contenus intestinaux des animaux primitifs qui fournissent des preuves directes et indirectes sur leurs régimes alimentaires.

Les espèces fossiles étudiées ici proviennent de la faune de Chengjiang (Chine) et de Sirius Passet (Groenland) et ressemblent à des onychophores munis d'appendices préhensiles. Ces étranges animaux au corps mou, non-articulé, d'une vingtaine de centimètres pour certains, possédaient une série de glandes digestives ramifiées le long de leur intestin, bien visibles sur les spécimens fossiles. L'observation d'organes similaires chez des crustacés actuels permet de penser que ces glandes servaient à réduire la nourriture ingérée via des réactions enzymatiques et à l'assimiler. Ainsi, se seraient développés au sein des premiers arthropodes, des modes alimentaires carnivores et macrophages assurant un apport énergétique compatible avec un métabolisme et une activité élevés.

Les auteurs montrent ainsi que des animaux aux systèmes digestifs sophistiqués sont apparus très tôt (Cambrien inférieur, env. 520 Ma) au cours de l'évolution des arthropodes. Ces premiers systèmes digestifs complexes, permettant d'exploiter de façon plus efficace une nourriture plus riche et plus diversifiée auraient contribué, avec d'autres innovations anatomiques (ex: système nerveux complexes, vision sophistiquée, appareils circulatoires, articulations du corps) au succès évolutif et écologique des arthropodes.  Ceux-ci constituaient dès le début du Cambrien le groupe animal le plus diversifié (env. 80% du nombre total d'espèces) et le plus abondant des faunes exceptionnelles étudiées. Ils restent de nos jours, avec les insectes, les crustacés et les chélicérates (ex: araignées), une composante majeure des écosystèmes marins et terrestres.

Ces derniers travaux complètent des rechercheségalement menées par Jean Vannier et Rudy Lerosey-Aubril sur des restes de nourriture non-digérés conservés à l'intérieur du conduit intestinal des animaux du Cambrien, notamment des vers et des arthropodes. Ces études originales nous éclairent à la fois sur les sources de nourriture exploitées dans le milieu marin de l'époque mais également sur la diversité des interactions entre les espèces animales (via notamment la prédation). Ces interactions génératrices de nouvelles pressions de sélection ont très probablement accéléré les processus évolutifs lié à l' Explosion Cambrienne. Des études similaires mais portant sur d'autres systèmes anatomiques ont été publiées très récemment par d’autres équipes. Elles montrent là aussi de façon spectaculaire que les arthropodes cambriens possédaient un système nerveux complexe leur permettant d'analyser et de traiter des signaux de la même manière que leurs descendants actuels. Des systèmes cardio-vasculaires complexes irriguaient quant à eux les tissus leur apportant énergie et oxygène. Cet ensemble d'informations à haute résolution révolutionne notre vision du monde animal à ses débuts.

Référence :
Vannier, J., Liu, J., Lerosey-Abril, R., Vinther, J., Daley, A.C.  (2014). Sophisticated digestive systems in early arthropods. Nature Communications 5:3641. DOI:10.1038/ncomms4641 - www.nature.com/naturecommunications

Dans la presse :
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/05/11/qui-mangeait-qui-il-y-a-500-millions-dannees/

http://www.lefigaro.fr/sciences/2014/05/25/01008-20140525ARTFIG00106-l-incroyable-complexite-de-la-vie-il-y-a-500millions-d-annees.php

http://sciencespourtous.univ-lyon1.fr/reconstituer-les-premieres-chaines-alimentaires/

claire.schweyer@univ-lyon1.fr

https://lejournal.cnrs.fr/articles/quand-la-vie-animale-sest-diversifiee

Contacts
Jean Vannier (jean.vannier@univ-lyon1.fr) et Rudy Lerosey-Aubril (leroseyaubril@gmail.com)

Partenaires
Agence Nationale de la Recherche (projet RALI);
Early Life Institute, State Key Laboratory of Continental Dynamics, Geology Department, Northwest University, Xi’an Chine;
University of Bristol, Departments of Earth Sciences and Biological Sciences, Bristol, Royaume-Uni;
Department of Zoology, University of Oxford et University Museum of Natural History, Oxford, Royaume-Uni.

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